The
Tyranny of Artistic Modernism,
by Mark Anthony Signorelli and Nikos A. Salingaros
( J'en propose ici un très bref résumé traduit par moi-même. La version originale intégrale est disponible sur : http://www.newenglishreview.org/custpage.cfm/frm/119633/sec_id/119633.)
( J'en propose ici un très bref résumé traduit par moi-même. La version originale intégrale est disponible sur : http://www.newenglishreview.org/custpage.cfm/frm/119633/sec_id/119633.)
Dans
cet article paru en 20121,
les auteurs nous entretiennent de ce qu'ils appellent le modernisme
artistique. On peut y lire que l'esthétique moderniste qui règne de
nos jours présente certains critères – en architecture, un manque d'échelle et d'ornementation associée à un excès
accablant de l'usage de matériaux tels que verre, acier et béton
brut ; dans les arts plastiques, un rejet des formes naturelles
mêlé à un indéniable goût pour le dérangeant et le clinquant ;
en littérature, une narration non-linéaire, un imaginaire obscur et
ésotérique, et un manque de recherche formelle poétique et
discursive. Autant de critères que l'on pourrait résumer ainsi :
une hostilité et une méfiance envers tous les critères
traditionnels d’excellence, révélés par des millénaires de
culture et de réflexion ; une conception absolue de la liberté
artistique, et totalement coupée des buts de son art ; et,
ainsi que l'a si clairement démontré Roger Scruton, un refus
d'appliquer les catégories du Beau à la création artistique ou à
son appréciation.
Derrière
ces nouvelles conceptions esthétiques œuvre une idéologie défendue
par une part importante de la structure institutionnelle du monde
occidental – universités, maisons d'édition, galeries, presse
écrite, comités d'attribution des prix, etc. Et tout effort créatif
relevant d'autres sources d'inspiration que de cette agression
moderniste est invariablement ignoré ou catalogué comme désuet ou
réactionnaire. Système totalitaire – la dictature du modernisme.
Bien
sûr le règne du modernisme est sur nous depuis plus d'un siècle,
et a depuis imposé ses propres règles et standards et a établi son
propre canon « classique ». Il a également développé
sa propre tradition. Et parce que la production artistique
contemporaine – qu'elle relève du champ de la littérature, de
l'architecture, de la musique ou des arts plastiques – est si
évidemment inférieure à tout ce qui a été produit avant, ses
défenseurs affirment qu'elle appartient per
se, et
uniquement,
au début du vingtième siècle, que depuis le monde de la création
est passé au « post-modernisme », et au-delà, et
qu'ainsi toute critique de l'art contemporain est hors de propos,
désamorçant ainsi par une stratégie subtile toute tentative de
critique, en omettant le fait qu'une grande majorité du modernisme
se complaît dans la négation fondamentale de toute complexité.
Ceci
est d'autant plus remarquable que le modernisme s'est construit en
tant que rejet de la tradition, comme nous le montre le credo du
Bauhaus de faire table rase et de créer un art entièrement libéré
du passé.
Qu'une
mouvance si violemment « anti-traditionnelle » ait
cristallisé dans sa propre tradition pourrait sembler paradoxal.
En
fait, on sait que tout mouvement artistique génère ses propres lois
et règles, mais le mouvement moderniste, en édictant les siennes,
qui étaient simplement les opposées de celles qu'il remplaçait, et
qui niaient la complexité de ce qu'elles remplaçaient, se firent
encore plus conformistes qu'elles.
On
constate, par exemple, que les architectes qui remportent
actuellement des prix copient l’esthétique originellement
approuvée par le Bauhaus, dont les membres travaillaient pour
l'industrie allemande de l'époque pour vendre ses produits
industriels : acier, verre et béton ; nos actuels
« starchitectes » continuent de perpétuer ces exemples
dysfonctionnels.
Si
nous nous interrogeons sur ces règles, nous constatons qu'elles sont
presque toutes totalement opposées à tous les principes
artistiques en vigueur jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle.
Quand la tradition envisageait la symétrie au sein de la complexité,
le modernisme envisageait la simplicité extrême, la dislocation et
le déséquilibre. Alors que la tradition voulait apporter du plaisir
(« plaire et instruire », selon Horace), l'art moderne
vise à brutaliser ou donner la nausée (cf. Jacques Barzun, The
Use and Abuse of Art).
Alors que l'architecture pré-moderniste usait des échelles et de
l'ornement, l'architecture moderne promeut de façon agressive le
gigantisme, la stérilité et l’aridité. Alors que la littérature
dite-classique perpétuait les règles grammaticales, la littérature
moderne recourt à des distorsions syntaxiques.
La
tradition moderniste est fondamentalement en conflit avec les
traditions classiques et vernaculaires. Et tout artiste qui croit que
son travail peut s’accommoder de ces deux traditions se leurre, car
l'esthétique moderniste a été fondée en tant que rejet et
négation des œuvres passées, ce qui empêche tout dialogue en le
forçant à faire un choix radical.
Car
le modernisme impose une incroyable violence : voir dans
l'architecture déconstructiviste les procédés qui amènent au
vertige et à la nausée (surplombs sans supports évidents,
bâtiments inclinés, murs intérieurs penchés, longues fenêtres
horizontales qui violentent l'axe vertical défini par la gravité,
etc.). On trouve une forme plus « douce » de cette
violence dans les environnements minimalistes dépourvus de tout
signe de vie : murs d'un blanc absolu, façades sans fenêtres
ou au contraire toutes en rideaux de verre, bâtiments conçus comme
des cubes et boîtes de verre ou de béton, etc. Derrière tout ceci
ne réside que le désespoir, l'absence de toute beauté qui signifie
la totale incapacité de ces artistes d'imaginer une réalité
capable de transcender la terrible laideur du monde moderne.
Ainsi
l'on constate que l'art moderne manifeste le pire de la pensée
moderne – le désespoir, l'irrationnel, la haine de la tradition,
la confusion de la scientia
et et de la techne,
de la sagesse et du pouvoir. Bref, le modernisme artistique est
l'incarnation du nihilisme contemporain.
Ces
manifestations de violence et le rejet qu'elles provoquent
habituellement dans le public amènent leurs auteurs à constamment
réclamer de façon quasi hystérique plus d' « éducation »
- comprenez lavage de cerveau – pour amener les gens « ordinaires »
à accepter leurs idées. De fait, l'emprise presque parfaite qu'ont
les architectes modernistes sur les écoles et les universités est
le facteur le plus important du triomphe de leur style : en
témoignent les écoles d'architecture, où seule une poignée de
cours daigne enseigner une pratique basée sur les techniques
traditionnelles. Et les architectes qui osent encore utiliser dans
leurs dessins le vocabulaire des traditions pré-modernistes sont
dénigrés et taxés de réactionnaires. La machine de propagande du
modernisme a si bien fonctionné que nous assistons aujourd'hui à
une complète inversion des standards et normes artistiques.
Ajouter
à cela le cynisme induit par l’appât du gain et les
considérations d'ordre strictement économique...
La
solution à tout cela ne se trouve pas dans un simpliste retour dans
le passé, mais dans un usage intelligent des sagesses et découvertes
passées, pour , s'en nourrissant, les dépasser et aller de l'avant.
Car une société humaine peut difficilement croître sur un terreau
fait de rejets et de négations. Il s'agit de retrouver certaines
sources d'inspiration – la beauté qui anime le monde naturel,
l'aspiration de l'âme humaine à l'excellence, les aperçus brefs et
imprécis que nous avons d'un but caché derrière l'apparent chaos
de nos existences. De grandes traditions artistiques se sont nourries
de tels printemps ; et ce n'est qu'à partir de semblables
printemps qu'une culture renouvelée émergera de notre époque.
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