MANIFESTE
BLEU
(De
l’urbanisme à Lausanne)
Contre
l’hygiénisme et la rationalité puants hérités de l’esprit protestant, mesquin
et punitif du Corbusier.
Contre la
pensée en série et l’uniformité stériles.
Contre
l’asepsie généralisée.
Contre
l’ascétisme esthétique et économique.
Contre
l’utile et le fonctionnel.
Contre
les démolitions abusives.
Contre la
densification à outrance.
***
Nous
exigeons de replacer au pouvoir la folie et l’imagination créatrices dont
dépend notre survie.
Place au
tumulte, aux volutes, aux arabesques, aux couleurs, aux courbes et aux
excroissances !
Que les
agencements des désirs humains phagocytent les obsessions rationnelles des
architectes mercenaires de l’immobilier capitaliste,
Pour
qu’enfin la réalité s’ajuste aux fantasmes !
Pour un
nouveau Surréalisme...
BLUES LAUSANNOIS...
Lettre ouverte aux autorités lausannoises et
cantonales, décideurs du projet « Plate-forme Pôle muséal »
Jusqu’au 24 septembre 2012
était mis à l’enquête le plan d’affectation cantonal de la « Plate-forme
Pôle muséal ». Les oppositions ont éte balayées en un temps record, sans
dialogue ou tentative de conciliation aucune, dans un parfait exercice de
pouvoir autocratique.
Dès que ce projet fut
présenté, on érigea, comme depuis trop souvent à Lausanne,, le minimalisme en
dogme de la pensée architecturale et urbanistique. Dans un éditorial du
24Heures, le rédacteur en chef Thierry Meyer évoquait dans ce choix une
« intelligence [...] bien vaudoise, [...] d’une rationalité élégante,
d’une audace qui préfère la simplicité à l’esbroufe. » Mais qu’était-ce
donc que cette intelligence vaudoise, qui se réfugie dans le pur rationnel, le
lisse, le soigné, le conforme, et qui apparemment n’ose plus flirter avec
l’exubérance, la fantaisie et le rêve, ne nous offrant plus que surfaces
stériles, volumes simplistes, autels voués à l’orthogonalisme (corollaire de la
pensée droite) le plus déprimant et
le plus fade ? Etait-ce donc là toute « l’audace »
vaudoise ? Qui ne propose plus au citoyen que de déprimantes infographies
grises et cubiques (ou parallélépipédiques) en guise de visions d’avenir ?
Le précédent projet de musée à Bellerive
avait pourtant clairement été rejeté, entre autres, pour son aspect bunker
et boîte à chaussures...
De gustibus et coloribus non disputandum me répondra-t-on, encore
et toujours... Toutefois, en une
attitude pathologiquement psychorigide, et, peut-être, par un souci de gloriole
testimoniale, nos autorités s’obstinent.
Passons au rapport au passé.
Le projet retenu par notre audacieuse élite dirigeante oublie avec une légèreté
inqualifiable que le cahier des charges stipulait que la halle aux locomotives
devait être préservée autant que possible. Mais qu’importe la plus petite
considération pour le moindre héritage architectural face au credo tristement
utilitariste de la densification à outrance qui gangrène peu à peu tout Lausanne ?
Car tout bâtiment, à moins d’avoir la chance d’être surclassé et surprotégé,
n’est plus envisagé avec condescendance que comme un « témoin sympathique
du patrimoine régional », dont on se débarrasse allégrement et sans la
moindre compassion. Pour preuve le bâtiment de Francis Isoz, anciennement rue
de la Gare 39, que nos autorités ont lamentablement livré aux pelleteuses de
l’empire Edipresse, qui désirait depuis longtemps se débarrasser d’un témoignage
de l’architecture du début du 20ème siècle qui ne s’accordait plus
avec ses visions d’avenir. Lausanne a clairement amorcé une politique ouverte de démolition. J’en
veux pour autre preuve la prochaine destruction programmée du Lausanne
Guesthouse, abandonné à la politique d’expansion de la gare CFF, qui certes
souffre d’engorgement et d’une explosion démographique qu’il serait peut-être
bon de cesser d’encourager (mais ceci est un autre débat), et prétend que la
seule solution à cette inévitable expansion est de raser nombre d’immeubles
admirables du siècle passé. Les architectes-démolisseurs nous disent leur
« obsession de l’intégration à la ville ». J’attends encore que l’on
m’explique en quoi leurs surfaces stériles s’intègrent, ou même s’accordent,
avec leur environnement bâti (à moins bien sûr que la négation de toutes les
caractéristiques architecturales qui les entourent ne soit une nouvelle
définition de l’intégration... Elle
semble en tout cas une définition de l’urbanisme contemporain à Lausanne :
son architecture est un manifeste nihiliste
du vide et de la platitude absolue, une négation de tout héritage architectural
et patrimonial).
De plus, quelle est la
logique urbanistique qui amène à concentrer à la gare les principaux musées
lausannois ? Alors que touristes et amateurs d’art pourraient visiter ces
musées en parcourant tout Lausanne (tout d’abord l’Elysée, puis Rumine en son
centre, et enfin le MUDAC qui les amènerait à parcourir la vieille ville),
participant ainsi pleinement et véritablement au dynamisme voulu par les autorités, on les concentre et les confine
autour de la gare.
Enfin, ce pseudo concept
de « Projet plate-forme pôle muséal » fait méchamment penser à un
genre de centre commercial de la culture, où tout est à portée de main, à
proximité de la gare, qui elle aussi vise au commercial avant tout. Et on sait depuis la reconfiguration du
Flon que nos autorités apprécient, et pire encore, vantent le fait que
« le cœur de Lausanne tend à devenir un grand centre commercial à ciel
ouvert ». Perspective hautement réjouissante, donc....
Je finirai par demander à
nos autorités, alors que, par exemple, Monsieur Michel Thévoz, ancien
conservateur du Musée de l’Art brut et professeur d’histoire de l’art à
l’université de Lausanne, avait démontré que le Palais de Rumine est, et
pourrait rester, le lieu idéal du Musée cantonal des Beaux-Arts (et nous sommes
nombreux à l’appuyer en ce sens), pourquoi elles ont sciemment ignoré et passé
outre ses excellentes compétences en muséologie, et pourquoi elles s’obstinent à vouloir créer un nouveau musée, alors que
celui-ci existe déjà, et pourrait être amélioré et sublimé à moindres frais ?
Richard
Tanniger
Lausanne,
janvier 2013
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