Relisant hier la
nouvelle inaugurale de William Gibson, Le
continuum Gernsback, je m’amusai d’abord d’y relever, à propos du Johnson’s
Wax Building de Frank Lloyd Wright, que sa réalisation « semblait avoir
été conçue pour des êtres en toges blanches et sandales de plexiglas. » !
Mais passons... quoique...
Plus intéressante était
la remarque que faisait au narrateur l’un de ses amis à propos d’une vision que
celui-là aurait eue :
« Si tu désires
une explication plus chic, je peux te dire que tu as vu un fantôme sémiotique. Prends
ces histoires de contactés par exemple. Eh bien, elles s’ancrent toutes dans
une espèce d’imagerie de science-fiction qui baigne notre culture. Je t’assure
que je pourrais accepter ces extraterrestres s’ils n’avaient pas l’air de
sortir des bandes dessinées des années cinquante. Ce sont des fantômes
sémiotiques, des rescapés d’une imagerie culturelle enfouie au plus profond de
l’inconscient qui ont acquis une existence propre, à la façon des véhicules
spatiaux de Jules Verne que les vieux fermiers du Kansas ne manquaient jamais d’apercevoir.
Et toi, tu as vu un autre type de fantôme, voilà tout. Cet avion appartenait
autrefois à l’inconscient collectif et tu as flashé là-dessus. L’essentiel, c’est
de ne pas t’inquiéter à ce sujet. »
Il faut bien sûr d’abord
y voir une description intelligente des processus à l’œuvre dans le steampunk,
mais il peut également être intéressant d’appliquer cette idée à certains
modèles architecturaux.
Si l’on pense à quelques
films qui ont marqué l’imaginaire de la SF, tels que THX 1138, ou, pour prendre un exemple beaucoup plus récent, The Island, il aurait pu être amusant qu’un
homme du XXIème siècle fût victime d’hallucinations d’univers urbains blancs
monochromes, et que ceux-ci ne relevassent que de ce phénomène de fantômes
sémiotiques.
Hélas, si l’on se
penche sur les illustrations de nombre d’éco-quartiers que l’on nous propose
aujourd’hui, il semble que ces espaces uniformément blancs, épurés, aseptisés
et confinés, mais présentés de manière idyllique, aient quitté le domaine du
fantomatique pour le réel. L’imagerie SF des années 30 et 50 semble avoir quitté le
monde de la représentation fictive pour celui des présentations infographiques
des nouveaux architectes.
Je me réserve pour plus
tard l’exercice, qui sera sans doute édifiant, consistant à comparer les
représentations iconographiques des dystopies urbaines futures avec les alarmantes
infographies actuelles. Mais j’engage déjà chacun à commencer d’y penser...
Car je pense qu’il y a
lieu de s’inquiéter. Et sérieusement.
Lausanne, mai
2012
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