lundi 21 janvier 2013

Château de Saint-Barthélémy, Vaud

Ce château, malgré de grandes transformations subies entre les XVe et XVIIIe siècle, se présentait encore à nous, il y a peu, sous un jour empreint d'un charme tout médiéval:




S'en suivit une des pires horreurs que j'aie pu voir en terme de dialogue entre architectures médiévale et contemporaine... Les images me semblent ne nécessiter presque aucun commentaire:


Le site officiel nous propose même une charmante photographie de cette greffe immonde:


L'arc-en-ciel nous signifie-t-il que le déluge du mauvais goût a déjà eu lieu, ou doit-on encore s'attendre à pire que ça...?

samedi 19 janvier 2013

Appel d'air...

Pour ceux qui douteraient encore de la nécessité de revenir au surréalisme, et à la poésie, quelques extraits d'un texte que je découvre à l'instant... A faire circuler...


Appel d'air d'Annie Le Brun, paru initialement en 1988 et réédité en 2011:
"...d'avoir été et de rester le seul le seul projet d'envergure à compter avec l'imprescriptible inconvénient d'exister, le surréalisme n'a pas fini d'importer à tous ceux qui ne s'accomoderont jamais du monde comme il va. Je reste persuadée qu'ils sont plus nombreux qu'on voudrait nous le faire croire. Même si la plupart semblent préoccupés, pour l'heure, de gagner à un jeu social auquel, il y a encore peu, ils se faisaient honneur de perdre. (...) Car c'est lui (le rêveur définitif) qu'on travaille à liquider sourdement, avec ses encombrants bagages utopiques, son incorrigible innocence et son désir toujours à venir. (...)Du nouveau roman à la plus récente production romanesque dont on exalte le prosaïsme, on peut suivre les progrès de cette dernière ruse du réalisme: l'expression emboutie sur les contours du réel anéantit la possibilité même d'une interrogation jusqu'à nous faire croire que la réalité coïncide avec la vérité. Ce qui n'empêche nullement, dans le même temps, d'entendre affirmer sur tous les tons qu'il n'y a pas de vérité pour mieux nous convaincre qu'il n'y a pas de mensonge. Ou plus exactement pour nous persuader sans doute possible que seul est vrai ce qui est réel et que tout ce qui ne l'est pas est à suspecter."
J'y reviendrai...

mardi 8 janvier 2013

Blues lausannois, suite


A l’attention de Madame Béatrice Métraux, Conseillère d’Etat, Cheffe du Département de l’intérieur, Château cantonal, 1014 Lausanne

Madame,

Relativement à la décision de lever les oppositions faites au projet de « Plate-forme Pôle muséal »,
je voudrais vous faire part des arguments suivants :

Sur l’architecture :

Vous dites avoir constaté que les principaux motifs de refus du projet de Bellerive étaient le lieu, les coûts, et l’architecture. Le lieu a donc changé, mais nous y reviendrons, de même que sur les coûts. Toutefois, quels enseignements avez-vous tiré du dernier point ? Le projet de Bellerive avait été clairement rejeté en raison de sa silhouette générale, que nombre de vos électeurs comparaient à un bunker. En quoi votre nouveau projet diffère-t-il du premier ? A nouveau, nous sommes face à une construction simplement parallélépipédique, un volume simpliste, un autel dédié à l’orthogonalisme le plus déprimant et le plus fade, bref, une triste façade lisse de grisaille aseptisée. Quelles sont donc les raisons qui vous poussent à ne pas tenir compte des critiques émises par un si grand nombre ?

Sur la destruction d’un monument historique :

Vous reconnaissez « la valeur patrimoniale non négligeable » du dépôt de locomotives, mais vous la négligez tout de même ! En affirmant que « cependant il ne s’agit pas d’une condition absolue », le jury nous dit que « la prise en compte de l’implantation des halles qui obstruent le site dans la relation Est/Ouest et le jugement de leur inadaptation à l’accueil des espaces muséaux excluent donc leur conservation matérielle. Les auteurs proposent alors de mettre en valeur quelques éléments précis pour conserver l’héritage du passé sur le plan symbolique et émotionnel. » Comprenons donc que, si l’on ne conserve que quelques pièces anecdotiques, que l’on range dans un musée (et ceci a bien eu lieu pour le bâtiment de Francis Isoz détruit récemment), l’honneur est sauf ! Tel est donc le message que vous faites passer : Détruisez tout ce que vous voulez, pour autant que vous conserviez ne serait-ce qu’une simple brique que l’on considérera comme un témoin de l’esprit du lieu que vous avez violé, voire totalement rayé du territoire ! L’argument d’un rappel symbolique quelconque vous tiendra lieu de passe-droit ! Pire encore, vous considérez que « la proposition cohérente et courageuse de ne conserver que des fragments des halles ne peut s’apprécier qu’en regard de la qualité de l’espace public proposé et de l’adéquation du volume simple et abstrait destiné au musée. » Ainsi la destruction de monuments classés est-elle assimilée à du courage, pour autant qu’elle conserve un fragment, aussi infime soit-il, de ce qui a été détruit ! Comment osez-vous assimiler votre politique de démolition programmée à du courage ?
« Le jury a acquis la conviction que la mise en valeur de l’esprit du lieu était plus importante qu’une stricte préservation du patrimoine lié à la halle de 1911 » : Voici balayés d’une phrase tous les recensements et classements architecturaux possibles ! Au point où nous en sommes, rasons la cathédrale, qui ne sert plus guère, pour n’en conserver qu’une gargouille et une croix à déposer au Musée historique ! L’argument pourrait sembler simpliste et populiste, mais je sais de source sûre que certains personnages haut placés dans la conservation dite officielle des monuments ne sont pas loin de vouloir défendre de tels crimes !

Pour terminer, citons ce passage de votre argumentaire relatif au choix du site :

« Le site de la Riponne présente d’évidentes qualités qui ressortent en particulier du rapport du Groupe cantonal d’évaluation des sites. Mais ce rapport – qui classe en deuxième position le site de la gare – n’a la portée que d’un préavis,  le choix final appartenant au Conseil d’Etat. »

Peu importe l’évidence donc ! Peu importe quelque rapport que ce soit, du moment que le Conseil d’Etat peut les balayer d’un revers de la main !!

J’espère obtenir des réponses.


dimanche 6 janvier 2013

Manifeste bleu, une fois encore..

Je me répète, mais tant que nos autorités ne nous répondront pas, je réitère:


MANIFESTE BLEU

(De l’urbanisme à Lausanne)



Contre l’hygiénisme et la rationalité puants hérités de l’esprit protestant, mesquin et punitif du Corbusier.
Contre la pensée en série et l’uniformité stériles.
Contre l’asepsie généralisée.
Contre l’ascétisme esthétique et économique.
Contre l’utile et le fonctionnel.
Contre les démolitions abusives.
Contre la densification à outrance.

***

Nous exigeons de replacer au pouvoir la folie et l’imagination créatrices dont dépend notre survie.
Place au tumulte, aux volutes, aux arabesques, aux couleurs, aux courbes et aux excroissances !
Que les agencements des désirs humains phagocytent les obsessions rationnelles des architectes mercenaires de l’immobilier capitaliste,
Pour qu’enfin la réalité s’ajuste aux fantasmes !

Pour un nouveau Surréalisme...



BLUES LAUSANNOIS...


Lettre ouverte aux autorités lausannoises et cantonales, décideurs du projet « Plate-forme Pôle muséal »

Jusqu’au 24 septembre 2012 était mis à l’enquête le plan d’affectation cantonal de la « Plate-forme Pôle muséal ». Les oppositions ont éte balayées en un temps record, sans dialogue ou tentative de conciliation aucune, dans un parfait exercice de pouvoir autocratique.
Dès que ce projet fut présenté, on érigea, comme depuis trop souvent à Lausanne,, le minimalisme en dogme de la pensée architecturale et urbanistique. Dans un éditorial du 24Heures, le rédacteur en chef Thierry Meyer évoquait dans ce choix une « intelligence [...] bien vaudoise, [...] d’une rationalité élégante, d’une audace qui préfère la simplicité à l’esbroufe. » Mais qu’était-ce donc que cette intelligence vaudoise, qui se réfugie dans le pur rationnel, le lisse, le soigné, le conforme, et qui apparemment n’ose plus flirter avec l’exubérance, la fantaisie et le rêve, ne nous offrant plus que surfaces stériles, volumes simplistes, autels voués à l’orthogonalisme (corollaire de la pensée droite) le plus déprimant et le plus fade ? Etait-ce donc là toute « l’audace » vaudoise ? Qui ne propose plus au citoyen que de déprimantes infographies grises et cubiques (ou parallélépipédiques) en guise de visions d’avenir ? Le précédent projet de musée à Bellerive avait pourtant clairement été rejeté, entre autres, pour son aspect bunker et boîte à chaussures...
De gustibus et coloribus non disputandum me répondra-t-on, encore et toujours... Toutefois, en une attitude pathologiquement psychorigide, et, peut-être, par un souci de gloriole testimoniale, nos autorités s’obstinent.
Passons au rapport au passé. Le projet retenu par notre audacieuse élite dirigeante oublie avec une légèreté inqualifiable que le cahier des charges stipulait que la halle aux locomotives devait être préservée autant que possible. Mais qu’importe la plus petite considération pour le moindre héritage architectural face au credo tristement utilitariste de la densification à outrance qui gangrène peu à peu tout Lausanne ? Car tout bâtiment, à moins d’avoir la chance d’être surclassé et surprotégé, n’est plus envisagé avec condescendance que comme un « témoin sympathique du patrimoine régional », dont on se débarrasse allégrement et sans la moindre compassion. Pour preuve le bâtiment de Francis Isoz, anciennement rue de la Gare 39, que nos autorités ont lamentablement livré aux pelleteuses de l’empire Edipresse, qui désirait depuis longtemps se débarrasser d’un témoignage de l’architecture du début du 20ème siècle qui ne s’accordait plus avec ses visions d’avenir. Lausanne a clairement amorcé une politique ouverte de démolition. J’en veux pour autre preuve la prochaine destruction programmée du Lausanne Guesthouse, abandonné à la politique d’expansion de la gare CFF, qui certes souffre d’engorgement et d’une explosion démographique qu’il serait peut-être bon de cesser d’encourager (mais ceci est un autre débat), et prétend que la seule solution à cette inévitable expansion est de raser nombre d’immeubles admirables du siècle passé. Les architectes-démolisseurs nous disent leur « obsession de l’intégration à la ville ». J’attends encore que l’on m’explique en quoi leurs surfaces stériles s’intègrent, ou même s’accordent, avec leur environnement bâti (à moins bien sûr que la négation de toutes les caractéristiques architecturales qui les entourent ne soit une nouvelle définition de l’intégration... Elle semble en tout cas une définition de l’urbanisme contemporain à Lausanne : son architecture est un manifeste nihiliste du vide et de la platitude absolue, une négation de tout héritage architectural et patrimonial).
De plus, quelle est la logique urbanistique qui amène à concentrer à la gare les principaux musées lausannois ? Alors que touristes et amateurs d’art pourraient visiter ces musées en parcourant tout Lausanne (tout d’abord l’Elysée, puis Rumine en son centre, et enfin le MUDAC qui les amènerait à parcourir la vieille ville), participant ainsi pleinement et véritablement au dynamisme voulu par les autorités, on les concentre et les confine autour de la gare.
Enfin, ce pseudo concept de « Projet plate-forme pôle muséal » fait méchamment penser à un genre de centre commercial de la culture, où tout est à portée de main, à proximité de la gare, qui elle aussi vise au commercial avant tout. Et on sait depuis la reconfiguration du Flon que nos autorités apprécient, et pire encore, vantent le fait que « le cœur de Lausanne tend à devenir un grand centre commercial à ciel ouvert ». Perspective hautement réjouissante, donc....

Je finirai par demander à nos autorités, alors que, par exemple, Monsieur Michel Thévoz, ancien conservateur du Musée de l’Art brut et professeur d’histoire de l’art à l’université de Lausanne, avait démontré que le Palais de Rumine est, et pourrait rester, le lieu idéal du Musée cantonal des Beaux-Arts (et nous sommes nombreux à l’appuyer en ce sens), pourquoi elles ont sciemment ignoré et passé outre ses excellentes compétences en muséologie, et pourquoi elles s’obstinent à vouloir créer un nouveau musée, alors que celui-ci existe déjà, et pourrait être amélioré et sublimé à moindres frais ?



Richard Tanniger

Lausanne, janvier 2013