mardi 14 juin 2011

De l'air!!!

Commentaire de l’article Des épures à l’air pur..., paru dans le 24H du 25 juin 2011


(Notons tout d’abord en guise de remarque liminaire que les réalisations architecturales contemporaines sont toujours présentées dans la presse locale de manière désespérément dithyrambiques, les journalistes étant apparemment d’emblée acquis à la cause présentée. Mais ceci est une autre affaire...)
L’article qui nous occupe ici présente différents exemples de chalets contemporains disséminés dans nos montagnes avoisinantes. Je ne parlerai que des exemples cités dans l’article en question, mais le propos pourrait sans difficulté aucune s’appliquer à nombre des constructions louées par l’ouvrage dont il est question.
La première création est décrite comme étant « greffé[e] dans trois chalets 1900 ». Le terme employé est révélateur : nous avons bien affaire à l’œuvre de tristes archi-chirurgiens esthétiques qui amputent et abusent de leurs scalpels sur leurs sujets d’étude, leur ajoutant des prothèses très justement décrites comme de simples « boîtes de 6m2 chacune », dont l’intérêt – c’est justement la fonction d’une boîte - ne réside peut-être que dans le contenu (nous y reviendrons).
Comme si l’ajout de prothèses ne suffisait pas, il s’agit ensuite de « démonter » les constructions déjà existantes, de « dynamiter » leurs assises, et enfin d’y ajouter des « coques de béton armé » et de les recouvrir de « tôle verte ». Destruction et ajout des matériaux les moins nobles possibles, et ceci en vue de buts strictement fonctionnels, sans aucune considération pour l’esthétique passée.
Ces nouvelles réalisations nous sont présentées comme des « cubes à vivre » qui font la part belle au béton brut [et] pourraient avoir été signé[e]s Le Corbusier ». La triste filiation est avouée : l’influence du sinistre sire de l’architecture métastase jusques aux plus hautes altitudes...
Mais le plus intéressant est l’expression employée pour définir cette réalisation : « sublime juxtaposition ». Il est fascinant de constater que soit usité l’adjectif « sublime » dans un contexte de paysage alpin. Amorcée par Kant au 18ème siècle, la notion de sublime fut largement explorée dans la littérature romantique du 19ème siècle. Les paysages alpins y étaient motifs à s’ennivrer de leur sauvage beauté, à s’effrayer de leur puissance brute.
Face à ces panoramas de roches brisées, aux lignes tortueuses et inégales, en quoi les médiocres constructions contemporaines, cubiques, parallélépipédiques, minimalistes et épurées répondent-elles aux paysages qui les entourent ? Que l’on m’explique en quoi elles s’intègrent à l’environnement, du moins d’un point de vue esthétique ! Il semble en fait qu’elles n’aient été pensées que d’un point de vue intérieur. Le résident jouit effectivement du panorama qui l’entoure, au travers de larges baies vitrées, mais l’observateur extérieur ne peut qu’être agressé par cette architecture brute, négation absolue du paysage environnant.
Il y a encore beaucoup à penser et à écrire à ce sujet...


Richard Tanniger
Lausanne, 14 juin 2011

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