Présentation hier du
résultat du concours d'architecture du deuxième volet du Pôle
muséal.
Si l'on s'en tient à un
point de vue strictement fonctionnel, ce projet apportera sans aucun
doute de nouvelles possibilités fort appréciables (facilités
techniques, plus de surfaces d'exposition et de dépôt, etc.). Mais
d'autres lieux et d'autres options auraient également pu le faire
(rappelons qu'un groupe d'experts avait été mandaté pour désigner
le lieu le plus propice à accueillir ces transformations, et que le
résultat de cette étude avait été délibérément ignoré).
D'un point de vue
urbanistique (et ceci a été dit à maintes reprises, mais sans
réponse honnête et cohérente de la part des instigateurs du projet
Pôle muséal, il faut le répéter), l'idée d'implanter trois
musées à cet endroit est une ineptie : la gare de Lausanne,
aujourd'hui beaucoup trop à l'étroit, doit s'agrandir, et s'apprête
pour cela à détruire un certain nombre de bâtiments estimables.
Sans doute la croissance démographique exige-t-elle ces sacrifices,
mais pourquoi alors entasser trois musées là où on manque déjà
de place ? Et ce sans compter les dangers liés à la
conservation d’œuvres d'art à proximité immédiate du trafic
ferroviaire, ou sans compter encore le déplacement de la caserne des
pompiers des CFF à Renens (car oui, si un accident survenait en gare
de Lausanne, et qui mettait en danger les œuvres conservées à deux
pas, les pompiers CFF, qui aujourd'hui sont situés à la gare, se
trouveront désormais à plusieurs kilomètres, et ce justement parce
que le Pôle muséal les aura contraints à partir....).
Venons-en maintenant au
point de vue esthétique. Une fois encore, et merci une fois encore à
24Heures (dont je souligne à nouveau l'allégeance absolue
aux décisions politiques, ainsi que l'absence totale de regard
critique sur les projets proposés, ou imposés), l'esthétique est
bêtement rabaissée à la question dite purement subjective du
« c'est beau » ou « c'est pas beau ». Non, la
question esthétique ne se résume pas à cela. Une esthétique (et
là aussi je me répète, mais dans l'espoir d'être entendu) est
porteuse de sens, elle véhicule une idéologie, une vision du monde,
une âme. Lorsque que, dans son éditorial, et qui reflète
parfaitement sa ligne directrice, 24Heures nous dit : « en
matière de goûts, laissons pourtant chacun juger et ce double musée
ne manquera pas d'alimenter quelques nouvelles polémiques chez les
contestataires endurcis », il fait précisément cela :
nous faire croire qu'un choix esthétique ne relève que des « goûts
et des couleurs ». Or il n'en est rien.
Choisir un projet qui
nous présente des infographies sans âme, lisses, d'une
orthogonalité déprimante et sans aucune originalité, sans aspérité
aucune, sans décoration, sans ornement, sans exubérance, cela nous
dit beaucoup.
Vanter les mérites d'une
« esthétique de la nouvelle pièce montée sur vide,
monolithe joliment zébré de transparence », cela nous dit
beaucoup.
Donner parole à des
architectes qui parlent de « liaison entre deux espaces qui
nous ont menés au vide », cela nous dit beaucoup.
Car enfin, une telle
glorification du vide, si elle est certes un trait caractéristique
du début de ce siècle, n'est-elle pas terriblement déprimante ?
Réduire enfin les
arguments des opposants à ce que « des débats sur les
charmants jardins de l’Élysée, les vieilles pierres de la Cité
(pour le design!) et l' « historique » garage à
locomotives expriment avant tout la délicieuse nostalgie de ceux qui
les chérissent. » nous dit beaucoup. Outre la fate
condescendance de l'auteur, on peut y rajouter une certaine dose de
mauvaise foi : « Les institutions chargées de sa
conservation et de sa présentation au public sont logées dans des
demeures vétustes, non seulement inappropriées à le gestion des
œuvres, mais aussi peu propices à l'organisation d'expositions
ambitieuses. » Vétuste, Rumine ? Vétuste, le Musée de
l’Élysée ? C'est un argument digne d'un promoteur immobilier
menteur et d'une absolue mauvaise foi...
Lausanne, le 6 octobre 2015