dimanche 22 juillet 2012

Référendum cantonal : Non au toit !




Les Vaudois seront peut-être amenés à voter sur le projet Rosebud du futur Parlement à la Cité.
Ce projet, dont on peut apprécier les qualités architecturales intrinsèques (mais ceci n’est pas l’enjeu du débat) constitue un scandale dès lors qu’on veut l’implanter au sein du quartier historique de Lausanne.

Certes, il est parfaitement « légal ».
Il n’en demeure pas moins que par un brillant tour de passe-passe, ce projet est légal en regard du plan d’affectation cantonal spécialement créé pour lui, mais déroge totalement aux règles imposées à n’importe quel autre bâtiment de la Cité. Ainsi, l’harmonie et la cohérence protégées par le plan d’affectation du site sont-elles allégrement contournées par ce projet. Comment les autorités pourront-elles empêcher par la suite n’importe quel particulier de faire n’importe quoi dans ce quartier, dès lors qu’on leur répliquera qu’elles-aussi s’en sont octroyé le droit ?

Certes, il répond aux plus récentes normes en vigueur en matière de développement durable et de constructions « écologiques ».
Mais on sait que trop souvent ces éco-constructions n’ont que faire de l’intégration esthétique à l’environnement bâti. Il convient aussi de se méfier du terrible effet de mode que l’écologie bien pensante nous impose de nos jours.

Dès le lendemain de l’incendie, face à la destruction d’un important bâtiment néo-classique du tout début du 19ème siècle, l’attitude la plus intelligente et respectueuse eût été de le reconstruire à l’identique. Mais les autorités refusèrent d’emblée d’entrer en matière sur une telle reconstruction. Elles décidèrent, après avoir volontairement laissé pourrir et se dégrader définitivement pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, les quelques restes intouchés par cet incendie, de les remplacer par autre chose.

C’est aujourd’hui contre cet autre chose que les référendaires se battent.

Si vous aussi vous vous insurgez contre un tel projet irrespectueux de l’héritage culturel et architectural, contre la volonté d’ériger un bâtiment qui n’a définitivement pas sa place dans un quartier historique, et qui se moque de la préservation de l’harmonie de la vieille ville lausannoise, signez le référendum, disponible sur www.non-au-toit.ch.



Lausanne, le 22 juillet 2012

vendredi 20 juillet 2012

Du rejet de la circoncision




La circoncision est le substitut symbolique de la castration que le père primitif et omnipotent avait jadis infligée à ses fils. Quiconque acceptait ce symbole montrait par là qu’il était prêt à se soumettre à la volonté paternelle, même si cela devait lui imposer le plus douloureux des sacrifices.

Sigmund Freud


La décision des juges de Cologne de remettre en cause la pratique de la circoncision pour motifs religieux soulève nombre de questions fondamentales, qu’elles soient d’ordre anthropologique, religieux, idéologique, pénal, etc.
Cette décision provoque bien évidemment l’ire des grands mouvements religieux concernés, qui invoquent le droit à la liberté de croyance, et insistent sur l’importance de cette pratique en regard des lois fondamentales qui leur sont prescrites par leur dieu et leurs textes sacrés.
Si ces croyants acceptent que de telles lois gouvernent leur âme et leur corps, grand bien leur fasse. Mais il est clair que de les imposer à d’autres, en l’occurrence aux nouveau-nés mâles, ne relève plus d’une liberté de croyance individuelle. Laissons donc aux mâles le choix de se faire volontairement mutiler lorsqu’ils auront atteint un âge suffisamment décent pour ce genre de décision. Car il s’agit bien d’une mutilation génitale, d’une amputation barbare et irréversible, d’une blessure infligée sans impératif médical à un tout jeune enfant et qui, de ce fait, devrait effectivement relever du droit pénal. Et si cette pratique se justifie selon eux car dictée par une loi divine (la circoncision étant établissement d’un pacte d’allégeance entre l’homme et son dieu), il serait bon de leur rappeler que, jusqu’à preuve du contraire, nous ne vivons pas dans un régime théocratique, et qu’il n’y a aucune raison que ces lois prévalent sur celles du code pénal.
En outre, au-delà de ces considérations strictement factuelles, il est fort intéressant de s’interroger, dans une optique plus psychanalytique, sur les raisons symboliques de ceux qui, même non-croyants, s’insurgent contre la décision allemande.
La circoncision institue un lien avec la transcendance, mais en refoulant en l’homme tout signe féminin[1]. Elle détache le garçon de sa mère et, en l’introduisant dans la communauté des hommes, renforce sa masculinité. Ainsi refuser la circoncision reviendrait à s’insurger tout d’abord contre un mode de domination de type patriarcal, mais surtout contre « tout renoncement, pour tout être humain, au jeu bisexuel, sacrilège car il serait rivalité fantasmatique avec Dieu, volonté d’empiétement sur son être[2] », relevant d'une mystique, aspiration ou nostalgie androgyne. Plus simplement, ce serait refuser toute partition exclusive des rôles sexuels. On sent poindre ici les discours misogynes et homophobes,...
Refuser la circoncision (tout comme le refus des lois cérémonielles de la Thora ou du Coran, ainsi que des lois alimentaires) serait une révolte contre le signe de la soumission de l’homme à Dieu, un abandon du monothéisme pour le paganisme.
Tout ceci n'étant bien sûr qu'une ébauche sommaire d'interprétation, mais qu'il serait passionnant de mener plus avant.
On comprend toutefois déjà aisément pourquoi les religions monothéistes, forcément exclusives et intolérantes, mais aussi tous ceux qu’une telle remise en question des rapports entre masculin et féminin au sein de l’individu dérange se sentent si offusqués et menacés...


Lausanne, juillet 2012


[1] « Nunberg a établi le fait que la circoncision peut avoir le sens de la perte de la mère, et a examiné plus en détail la signification du prépuce comme symbolisant le vagin, le rectum et la féminité ». Masud/Khan, « Le fétichisme comme négation du soi », in Nouvelle revue de psychanalyse numéro 2, automne 1970
[2] Roger Lewinter, « Groddeck : (anti)judaïsme et bisexualité », in Nouvelle revue de psychanalyse numéro 7, printemps 1973

mardi 17 juillet 2012

Green lantern...



Nulle ombre de révolte ce soir, ni d'insurrection ou de scandale...


Juste un petit billet sans intentions polémiques, et charmé...


Rentrant chez moi par le pont Bessières, mon septentrion se vit occulté par la silhouette, toujours enchanteresse, de la cathédrale, en cette nuit illuminée d'une étrange lueur verte, presque fluorescente...


Merci à ceux qui oeuvrent à nous offrir ces luminescences décalées, que d'aucuns, sans doute, trouveront déplacées... Mais qu'importe!!


Lausanne s'endormira cette nuit, et moi avec, baignée d'une atmosphère irréelle...




dimanche 1 juillet 2012

Panem et circenses


Lausanne vit à l’heure du projet Métamorphose. Les autorités lausannoises estiment que le développement de la ville doit se faire à travers quatre axes principaux, dont le premier, du moins selon l’ordre de présentation qui nous est proposé, est une « redistribution des équipements sportifs. Le projet dotera la ville d’équipements sportifs modernes, avec, au nord, un stade d’athlétisme, une salle sport-spectacle, un centre sportif et, au sud, un complexe sportif regroupant stade de football, piscine olympique et boulodrome. Toutes les installations, et en particulier la salle sport-spectacle et la piscine, ont une forte vocation populaire. »
On peut facilement comprendre ce qui motive ce projet : l’immense engouement populaire pour les grandes manifestations sportives, l’afflux de capitaux drainés par les fédérations sportives internationales, CIO en tête... Mais peut-être serait-il bon de s’interroger sur les implications d’une telle option urbanistique. Pour ce faire, la lecture d’un ouvrage, récemment paru, de Robert Redeker, intitulé L’emprise sportive[1], sera éclairante, voire édifiante.
La thèse principale de cet ouvrage est la suivante : contrairement à ce que souvent l’on veut nous faire croire, à savoir que le sport serait un simple exutoire ou une pratique cathartique, « il n’est pas un reflet – selon la croyance d’une plate et paresseuse sociologie, le football refléterait la société, pour le meilleur et pour le pire – mais l’inverse : le sport structure la société, la modèle, la contraint à lui ressembler. » Il s’avère en fait que le sport nous impose, à tort ou à raison, l’idée que la compétition est la première condition du progrès, et que toute existence doit se mesurer à l’aune de la performance et de l’évaluation chiffrée. Son idéologie est d’autant plus insidieuse qu’elle est rarement explicitement exprimée, sauf peut-être dans la perverse devise olympique (plus vite, plus haut, plus fort[2]), devenue l’hymne de l’homme moderne.
Et que les instances dirigeantes ne s’y trompent pas. Qu’elles ne croient pas mettre le sport au service de leur Cité, car ce sport « est tout autre chose qu’un outil ou qu’un moyen qui ne modifierait pas qui compte s’en servir ; il est un système total, une machinerie planétaire qui transforme profondément aussi bien les hommes que le rapport des hommes au monde. [...] Il ne peut en aucun cas être repris comme instrument de libération sociale. Le sport n’est pas ambigu : il est le catéchisme hard du capitalisme, de la guerre de chacun contre chacun et de la loi du plus fort. » N’apportant aucun message d’espoir, voué au culte de l’homme-loup, de l’homme gagnant, conformiste et consommateur.
En accordant une place si importante au sport dans le développement de la cité, nos autorité font de Lausanne, inconsciemment peut-être, un bastion de cette idéologie perverse. Il serait salutaire qu’elles se consacrent à mettre en avant une Lausanne culturelle, non de cette culture de masse imbécile incarnée, par exemple, dans les débordements sonores liés aux mondiaux et autres matchs de l’Euro, mais une Lausanne qui mise avant tout (là est l’essentiel) sur les théâtres, l’opéra, le Ballet Béjart, l’OCL, que sais-je encore...
Car il y va de la survie de tout ce qui résiste au sport-spectacle, et la poésie avant tout. Hölderlin disait que l’homme habite en poète sur cette Terre. Il me chagrinerait qu’il n’y habitât plus qu’en supporter...

Juillet 2012




[1] Robert Redeker, L’emprise sportive, François Bourin Editeur, Paris, 2012
[2] Lausanne, qui se targue d’être une ville olympique, ferait bien de s’interroger sur les dommages collatéraux et les ravages psycho-sociaux d’une telle devise...