dimanche 23 octobre 2011

Le façadisme au Flon

Rétorsions d’arguments


Dans un ouvrage récent[1], je déplorais la probable destruction du bâtiment sis au numéro six de la Place de L’Europe, construit en 1904 par Francis Isoz. L’information semblait confirmée dans l’ouvrage Quartier du Flon :


« Le bâtiment de la Place de l’Europe 6 œuvre de l’architecte Francis Isoz, forme avec ses voisins un ensemble de fond de place d’une intéressante cohérence architecturale (remercions pour commencer les rédacteurs de leur hommage à Monsieur Isoz). Il a été toutefois accidenté dans sa structure portante et s’est dangereusement affaissé. Sa récupération se révèle impossible (Le promeneur qui passe aujourd’hui par la Place de l’Europe ne peut que douter d’une telle affirmation. Et le terme « douter » est au-delà du simple euphémisme...). Il est dès lors devenu nécessaire de le remplacer par une nouvelle construction de facture contemporaine, inscrite dans un nouvel équilibre de la Place de l’Europe. Projeter ce nouveau bâtiment, c’est mettre en place un programme urbain en adéquation avec la proximité, voire l’imbrication de l’interface des transports publics dont nous sommes les architectes, et c’est aussi restituer les principales qualités urbaines d’articulation et de composition de l’existant dans une interprétation contemporaine (en toute partialité, je ne peux déceler dans ces derniers termes que la vacuité et l’indigence maquillée d’intellect du discours contemporains sur l’architecture... A vous de juger !); [...]. Cet hôtel a vocation d’être un écrin précieux et désirable par la qualité de ses prestations et par l’originalité de ses ambiances (L’attrait du vide ?). La Place de l’Europe, et le quartier du Flon plus généralement, lieux représentatifs des mutations urbaines, sont le répondant privilégiés d’une telle affectation correspondant aux formes contemporaines de nomadismes culturels (la culture contemporaine est donc nomade, sans attache,  ni racines, sans décor  (car ceux-ci sont confortables et sédentaires), simpliste et neutre avant tout donc...)[2]»

Que peut-on constater aujourd’hui ?

Le bâtiment en question, ou du moins sa façade, a pu être conservé. Sa récupération présentée comme « impossible » n’était-elle donc qu’un fallacieux prétexte pour le LO Holding d’imposer de façon plus que douteuse son projet. ?
Elle relève de plus de cette tendance néfaste qui consiste à ne conserver que la façade (mais là je dois admettre que c’est un tout petit point de gagné), tout en jetant en pâture tout le reste aux bulldozers.
Remarquons pour finir sur cette façade d’inspiration florentine, conservée tant bien que mal, le hideux logo « LHOTEL », qui ampute sciemment l’apostrophe et l’accent circonflexe (posture de soumission « cool » aux nouvelles règles d’orthographe ?).

Bref... Bel exemple de ce « façadisme » dénoncé par Philippe Trétiack dans un récent ouvrage, et parfaitement illustré par cette citation piquante :

« Imagine-t-on le Château de Versailles nettoyé au karcher et remeublé Ikea ? [3]»


Richard Tanniger, Lausanne, octobre 2011



[1] Richard Tanniger, Du Réel à venir, Editions Limitées, Lausanne
[2] Quartier du Flon, Editions du Flon, Lausanne, 2009, p. 209 (les commentaires en caractères non gras sont de moi)
[3] Philippe Trétiack, Faut-il pendre les architectes ? [2001], Paris, Seuil, coll. Points Essais, 2011, p. 134

mardi 18 octobre 2011

LES TOILETTES DU FLON



Commentaire peu sérieux (quoique...), totalement partial et subjectif de la présentation que l’on fait aux Lausannois des « audacieuses » nouvelles toilettes publiques du Flon...

« Le label Oloom design ose et propose un concept unique de toilettes publiques (et il faut en effet oser évoquer le terme de concept lorsque l’on s’attaque à une problématique relevant de la défécation) aux parois de verre à cristaux liquides. Ce matériau, choisi pour son ambivalence, offre une illusion d’optique entre la transparence et l’opacité et permet aux toilettes de se fondre dans l’atmosphère environnante avec audace.
Les parois transparentes permettent aux passants de voir l’intérieur de la cabine (de l’intérêt pour le passant de contempler le lieu où l’on satisfait ses besoins les plus primaires ? Que l’on m’explique...). Une fois la cabine occupée, les parois deviennent complètement opaques et assurent la discrétion aux usagers.
Cette technologie réfléchie et maîtrisée permet d’offrir des toilettes plus sûres face aux problématiques sociales (toxicomanie, etc.) fréquemment rencontrées dans des contextes urbains.
Dotée d’un système de sécurité, la cabine est capable, grâce à des faisceaux, de détecter les mouvements des usagers. Lorsque les toilettes sont occupées et qu’il n’y a plus aucun mouvement durant plus de quinze minutes, le système se déclenche et la cabine redevient transparente (et permet ainsi au spectateur de contempler le pauvre junkie qui a succombé à son overdose ? Joyeux écho aux « œuvres » exposées aux passants dans les cubes de verre de la même rue...).
L’usager peut également avoir recours à un déclencheur, en appuyant à tout moment sur un bouton qui rend instantanément à la cabine sa transparence (au cas où ledit usager désirerait uriner, déféquer, se piquer, ou peut-être même copuler sous les yeux de tous ? L’exhibitionnisme serait-il donc une mode à lancer au Flon ?).
Le concept invite à une responsabilité et à une prise de conscience chez les utilisateurs ( ainsi la responsabilité citoyenne serait-elle celle de décider si l’on urine ou défèque discrètement ou au vu de tous ?). Car si la transparence suscite un sentiment de sécurité et de propreté, elle met également un frein aux tentatives de dégradations.
L’intérieur de la cabine a été conceptualisé de manière à être pratique et hygiénique (là je suis enfin d’accord ! Mais quel concept novateur et audacieux que d’associer hygiène et WC publiques !). Le revêtement en inox a été adopté pour son caractère résistant et sa durabilité.
Les Toilettes du Flon peuvent accueillir hommes, femmes et personnes handicapées (trois genres distincts donc... ?) et sont l’expression d’un besoin de modernité (ici j’ai grand besoin que l’on m’explique en quoi notre soi-disant modernité relève d’un tel débat scatologique...) et de salubrité en ville.[1] »

Cette présentation prend un caractère (à mon sens) tout particulièrement comique (ou tragique, c’est selon) si on la compare à un extrait des Monades urbaines :

-          Préférez-vous déféquer dans l’intimité ?
-          Oui, s’il vous plaît.
-          Alors, vous appuyez sur ce bouton qui allume l’écran d’intimité. Nous excrétons dans ceci. L’urine ici, les fèces là. Tout est récupéré est utilisé, vous comprenez. Nous avons le sens de l’économie dans les monades.
-          Bien sûr, répond Gortman.
Principessa demande :
-          Préférez-vous que nous utilisions l’écran quand nous déféquerons ? J’ai cru entendre que cela se fait à l’extérieur.
-          Je ne voudrais pas vous imposer mes habitudes, dit Gortman.
-          C’est un fait que notre culture a dépassé la notion d’intimité, répond Mattern, en souriant. Mais cela ne nous dérange pas d’appuyer sur le bouton, si... (Il hésite. Une nouvelle pensée vient le troubler.) La nudité n’est pas taboue sur Vénus, j’espère ? Je veux dire, nous n’avons que cette pièce et...
-          Oh, je m’adapte très bien, assure Gortman. Un sociocomputeur expérimenté se doit, bien sûr, de posséder le sens du relativisme culturel ! »[2]



[1] Cf. Quartier du Flon, Editions du Flon, Lausanne, 2009, p.113. Les commentaires en caractères non gras sont de moi...
[2] Robert Silverberg, Les monades urbaines [1971], J’ai lu, Paris, 1979, pp. 18-19